Il est comme ça. Je suis comme ça.
Pendant des années la violence était quotidienne. Verbale ou physique, injustifiée. Je l’ai vue et je l’ai subie. « Il est comme ça me disait-on, il faut que tu t’y fasses, tu ne le changeras pas. »
Mais je ne voulais pas l’entendre, je voulais qu’il change. Sans succès.
Je devais effectivement vivre avec lui, ce qui était surmontable. Ce qui ne l’était pas en revanche, c’était de ne pas avoir de répit, car où s’arrêtait sa violence commençait la mienne.
Quand il est parti, la violence est restée. Incrustée, ancrée.
« Je suis comme ça, c’est ce qu’il m’a laissé, ça fait partie de moi.»
Je la sentais, bien présente et étonnamment peu dérangeante. Je ne savais pas la canaliser, je ne pouvais que la contenir lorsque j’en avais la force mentale, malheureusement, ceux qui savaient la faire ressortir étaient ceux que j’aimais le plus.
Un jour, j’étais sur mon petit-frère, le maîtrisant au sol, le poing serré, je voulais le frapper ou l’étrangler, peu m’importait, pourtant je restais sur lui incapable d’aller au bout. Plus j’attendais plus ma frustration amplifiait ma colère jusqu’à ce qu’il me dise simplement « Regarde-toi. »
A cet instant la honte a pris place et je suis partie. « Regarde-toi, tu es tout ce que tu détestes, tu n’as gardé que le mauvais de lui. »
Je n’ai plus jamais voulu me retrouver dans un état pareil, pourtant la colère et la haine étaient toujours là. Je me disais que je devais vivre avec mais qu’elle ferait toujours partie de moi.
Puis avec le temps, devenant plus sereine, plus heureuse, en accord avec moi-même, à force de choix, elle s’est peu à peu dissipée.
On ne peut changer les autres, ni son passé, mais nous-mêmes, notre présent comme notre futur, nous appartiennent.
Je pense que le plus dur a été le fait que malgré tout, cette violence faisait partie de mon identité. Je ne me voyais pas faire ou être autrement. Alors j’ai fait avec, utilisant cette rage de la façon la plus constructive possible pour moi à l’époque. Je ne la retournais ni contre moi ni contre les autres mais me servait de cette énergie pour faire quelque chose, quelque chose que j’aimais.
En outre, elle représentait le seul lien palpable qui me restait avec mon père, en faisant la paix avec cette violence, j’ai apaisé cette douloureuse relation.
La première étape a donc été d’accepter le changement nécessaire avant de m’y diriger. Il a fallu de la patience, de la volonté mais surtout des rêves et la foi. La foi en la vie, qui à mes yeux nous soutient plus que l’on ne le voit.
Je n’ai besoin de rien d’autre que ma foi en ma philosophie, peu importe si j’ai tort, elle m’aide au quotidien.
Aujourd’hui je vous mets au défi ne serait-ce que de m’énerver ! Je suis sereine et j’accepte mon passé, y compris mon père. Je suis même heureuse de ce que j’ai vécu, reconnaissante envers mon père, car je ne serais pas la même s’il n’avait pas fait ce qu’il a fait et je suis fière d’être cette personne.
Je pense que c’est ce qui compte, être fier de soi.
Juillet 2011, ancienne jeune stagiaire chez Graines de Paix, devenue enseignante.