VON SUTTNER Bertha
Bertha Von Suttner fut une défenseure infatigable de la paix, et elle poursuivit ses tournées de conférences jusqu’à près de soixante-dix ans. Son militantisme et ses ouvrages en faveur du pacifisme furent couronnés par le comité du Prix Nobel de la Paix en 1905 – dix ans après avoir réussi à convaincre Alfred Nobel d’ajouter ce prix dans son testament.
Autrichienne
1843 -
1914
Biographie
En juin 1843, la Comtesse Bertha Kinsky Von Wchinitz und Tettau est née dans une famille aristocratique au passé militaire – son père avait été maréchal et son grand-père capitaine de cavalerie. Elle fut élevée dans une famille de la haute société, mais disposant de peu de revenus, et reçut une éducation approfondie. Dans sa jeunesse, elle s’est consacrée aux voyages, à la lecture et à tout ce qui pouvait contribuer à son instruction : par la suite, sa connaissance des langues l'aidèrent à remporter ses succès en tant que militante pour la paix.
En 1873, elle devint la gouvernante des quatre filles Von Suttner. Alors qu’elle était employée à leur service, elle fit la connaissance du fils de la famille, Arthur von Suttner, et leur liaison fut le prélude à sa relation avec Alfred Nobel.
En 1876, Nobel mit une annonce pour une secrétaire et les von Suttner, qui réprouvaient sa liaison avec leur fils, encouragèrent Bertha à poser sa candidature. Une seule semaine passée à Paris suffit pour faire naître une amitié qui devait durer toute sa vie avec Nobel, animée par les moyens d’en finir avec la guerre et de rétablir la paix.
Ensuite, Bertha rentra épouser en secret Arthur, et c’est alors que commencèrent neuf années d’exil qui marquèrent le début de leurs carrières littéraires, et par la suite, leurs engagements personnels en faveur de la paix.
Lors d’un voyage à Paris, Bertha et son époux furent présentés par Nobel à l’Organisation Internationale d’Arbitrage et de la Paix, à Londres. Au sein de cette organisation, Bertha se rendit compte que ses aspirations en faveur de la paix étaient partagées par d’autres personnes qui étaient prêtes à s’organiser et à consacrer leurs vies et leurs métiers dans un mouvement politique et social. Cette prise de conscience fut une source d’inspiration et elle en fit part immédiatement dans le livre qu’elle écrivait à l’époque, « The Machine Age » (1889), lequel fut l’un des premiers ouvrages faisant état des effets d’un nationalisme exacerbé.
A partir de cette époque, elle s’engagea au service de la Ligue pour la Paix, et mit ses talents d’écrivain au service de cette cause. A la fin de l’année 1889, elle publia « Lay Down Your Arms », un roman décrivant en détail les tragédies causées par la guerre et leur impact sur les vies humaines. Il connut un succès retentissant, avec 37 retirages et il fut loué par Tolstoï en tant que livre qui pouvait contribuer à mettre fin à la guerre au même titre que La Case de l’Oncle Tom avait contribué à abolir l’esclavage. (1)
Par la suite, elle contribua à la création du Venetian Peace Group (1891) (Groupe de Venise pour la paix) et de la Société autrichienne de la paix, dont elle fut présidente. Elle créa un fonds pour créer le Bureau International Permanent de la Paix (Permanent International Peace Bureau) à Berne (2) et fonda également un journal pour la paix « Die Waffen Nieder » (Down with Arms), qu’elle a publié jusqu’en 1899 et auquel elle a participé jusqu’à sa mort.
Grâce à ses activités, elle maintint le contact avec Nobel. A cette époque, elle lui fit la promesse formelle qu’elle mettrait tout en œuvre pour le convaincre de la valeur de son travail, en le tenant informé et engagé dans les mouvements de paix internationaux. Nobel, qui avait acquis une fortune considérable dans l’utilisation civile de la dynamite, s’intéressait depuis longtemps à la paix, mais il restait sceptique. Cependant, il continua à envoyer à Bertha de substantielles contributions financières, et en 1893, il lui écrivit une lettre lui faisant part de son intention d’ajouter la création d’un « prix pour la paix » dans son testament.
En 1895, Nobel modifia pour la dernière fois son testament définitif, et indiqua dans ses dernières volontés que la majeure partie de ses biens devait être attribuée à cinq prix, dont le Prix Nobel de la Paix, et qu’il devait être décerné à « la personnalité qui aura le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou la réduction des armées permanentes, et à l’organisation et la promotion de congrès sur la paix ». Chaque terme avait été mûrement pesé afin que les champions de la paix, comme elle, soient récompensés. (3)
Cependant, après sa mort en 1896, cinq années s’écoulèrent avant que soit décerné le premier Prix Nobel de la Paix, et ce n’est qu’en 1905 que Bertha s’est vue décerner le prix. Quoi qu’il en soit, il est important de souligner qu’elle fut ainsi reconnue et qu’elle fut la première femme à remporter le prix, après avoir écrit au départ sous un pseudonyme du fait de son sexe.
Au cours de ces années, Bertha avait continué avec son mari - jusqu’à son décès en 1902 - à œuvrer en faveur de différentes initiatives de paix, cherchant à obtenir un soutien pour le manifeste du Tsar et participant à la Conférence de la Haye pour la Paix en 1899. Elle tint un salon à propos de cette conférence, lequel marqua une étape importante du fait que 25 gouvernements étaient représentés. Grâce à ses efforts, le mouvement international de la paix commença à acquérir une plus grande crédibilité.
A partir de la mort de son mari, Bertha écrivit uniquement en faveur de la paix, et consacra tous ses efforts à cette cause, comme elle l’avait promis. Elle participa au Congrès International pour la Paix à Boston en 1904, et joua un rôle dans le Comité d’Amitié anglo-germanique en 1905, ainsi qu’à la Conférence de la Haye pour la Paix en 1907. En 1908, au cours d’une conférence pour la paix à Londres, elle fit part avec force à l’assistance de sa conviction que « l’Europe est une » et qu’unir ses efforts permettrait d’éviter une catastrophe annoncée.
Âgée de presque 70 ans, elle fit une deuxième et dernière tournée de conférences en 1913. En 1914, on présume qu’elle fut atteinte d’un cancer et décéda au mois de juin, deux mois à peine avant le début de la guerre, qu’elle avait tenté d’éviter par tous les moyens. Depuis, sa mort a été commémorée de plusieurs manières : le Taler européen porte son effigie, ainsi qu’une pièce autrichienne de 2 Euros, et un timbre allemand de 2005 - l’année 2005 ayant été choisie comme année de sa commémoration par le Bureau International de la Paix (International Peace Bureau IPB). Un monument commémoratif a été édifié en son honneur dans le Rotary Peace Park en Australie, et son portrait figure sur les comptes-rendus de la Women’s International League for Peace.
(1) Lettre de Tolstoï à Bertha von Suttner en date du 12 octobre 1891, selon des sources citées dans un article à son propos par la New World Encyclopedia.
(2) Existe toujours actuellement, 100 ans plus tard, sous le nom de Bureau International de la Paix, à Genève, composé de 480 membres (en 2010) au niveau international, national, régional et individuel.
(3) Source : « The Nobel Peace Prize: What Alfred Nobel really wanted », de Frederik Heffermehl, Editions Praeger, 2010.
Publications
- A bas les armes, 1889 (traduit en 12 langues, 37 rééditions)
- Das Maschinenzeitalter (Le Siècle des machines), 1889
- Souvenirs de guerre, Paris, 1904 (War memories)
- The Hague Peace Conference (La Conférence de la Haye), 1900
- Martha's children (Les enfants de Martha), 2e partie du livre A Bas les armes, 1902
- Die Entwicklung der Friedensbewegung (Le développement des mouvements de paix), Leipzig, 1907
- Chère Baronne et Amie, Cher Monsieur et Ami : Lettres entre Alfred Nobel et Bertha von Suttner, éd. Edelgard, Hildesheim en allemand, 2001
+ divers autres livres en allemand.
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