Le droit humain à la paix dans les textes officiels
Dès le début de la codification des Droits humains en 1948, des notions composant le droit humain à la paix sont incluses et continuent à se renforcer, lentement, mais sûrement, dans les textes internationaux et régionaux :
La Charte de l’ONU, signée en 1945 par 50 pays, interdit la guerre et impose la résolution pacifique des différends, faisant ainsi de la paix un droit.
Dès son préambule, elle explicite que les nations sont résolus "à pratiquer la tolérance, à vivre en paix l'un avec l'autre dans un esprit de bon voisinage, à unir nos forces pour maintenir la paix et la sécurité internationales ."
Le terme de droit humain à la paix n'est pas encore utilisé, cependant, c’est déjà pour les nations une obligation de paix, et réciproquement pour elles, un droit à la paix. L'art. 1 précise :
les quatre buts de l'ONU:
1. Maintenir la paix et la sécurité internationales
- Prévenir et écarter les menaces à la paix;
- Réprimer tout acte d'agression ou autre rupture de la paix;
- Réaliser, par des moyens pacifiques, le règlement de différends de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix.
2. Développer entre les nations des relations amicales
et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix
3. Réaliser la coopération internationale
pour résoudre les problèmes internationaux
4. Être un centre où s'harmonisent
les efforts des nations vers ces fins communes
La Déclaration Universelle de 1948
Le droit humain à la paix en est l'essence:
art. 3 :
« Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne ».
art. 28 :
« Toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration puissent y trouver plein effet ».
- Les Droits de l'Homme requièrent la paix pour prendre leur plein effet.
Convention européenne des droits de l’homme
Cette convention de 1953 précise :
art. 2
« Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. »
art. 5.1
« Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. »
Pacte international relatif aux droits civils et politiques
Le Pacte de l'ONU de 1966 précise la notion de sûreté:
art. 9
«Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraires (...) ».
Le préambule du Pacte précise que les droits civils, politiques, économiques et sociaux doivent « libérer de la crainte » (peurs sécuritaires).
Chartes régionales
- La Convention américaine des droits de l’homme (art. 7)
- la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (art. 6)
- la Charte arabe des droits de l’homme (2004, art. 14)
contiennent des dispositions similaires, avec le double rappel du droit à la sûreté et de l’interdiction de la détention arbitraire.
Renforcement progressif du droit humain à la paix
1976
La Commission des Droits de l’Homme affirme:
« Toute personne a le droit de vivre dans des conditions internationales de paix et de sécurité… » (résolution 5 XXXII, l).
1978
L'Assemblée Générale des Nations Unies, dans la Déclaration sur la préparation des sociétés à vivre en paix (Rés. 33/73), affirme :
Art. 1: « Toutes les nations et tous les êtres humains (...) ont le droit inhérent de vivre dans la paix ».
Art. 4: « Tous les États (...) ont le devoir de prendre des mesures susceptibles de promouvoir des idéaux de la paix ».
1982, puis 1984
Le Comité des droits de l’homme pour le pacte sur les droits civils et politiques, statuant sur le droit à la vie, précise que les États ont l’obligation de renforcer la paix en tant qu’élément essentiel du droit à la vie.
1984
L'Assemblée Générale de l'ONU approuve formellement la « Déclaration sur le droit des peuples à vivre en paix » (ONU: A/res/39/11), mais limite le droit à la paix aux "peuples", sans plus mentionner le droit à la paix des "individus":
Art 1"Proclame solennellement que les peuples de la Terre ont un droit sacré à la paix"
Art 2"Déclare solennellement que préserver le droit des peuples à la paix et promouvoir la réalisation de ce droit constituent une obligation fondamentale pour chaque État.
1997
L’UNESCO lance une vaste consultation sur la question, en déclarant clairement vouloir faire de la paix un droit humain. Le texte proposé comprend les articles suivants:
Art 2
"Le droit de l'être humain à la paix constitue le fondement de la culture de la paix"
Art 3
"Tout être humain a le droit à la paix qui est inhérent à sa qualité de personne humaine"
Art 4
"La violence sous toutes ses formes est intrinsèquement incompatible avec le droit de tout être humain à la paix."
Cependant, Federico Mayor, Directeur général de l'UNESCO, initiateur de ce projet, renonce face à la résistance des États consultés.
1998
L’Union Interparlementaire adopte une Résolution sur la prévention des conflits dans laquelle elle souhaite :
"que soit pleinement reconnu le droit à la paix inhérent à tout individu à toute société"
afin de "promouvoir tous les éléments constitutifs d'une véritable "culture de la paix ".
L’Organisation des États américains, dans une déclaration de son Assemblée générale, reconnaît explicitement le droit humain à la paix.
2006
La Déclaration de Luarca sur le Droit Humain à la paix est rédigée par des éminents spécialistes des droits humains, regroupés dans la SEDIDH*.
Cette Déclaration comprend la liste des droits humains relatifs (15 articles), la liste des devoirs et obligations de toutes les parties (7 articles) et un ensemble de clauses pour la mise en oeuvre et le fonctionnement.
2009
Le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme (HCDH) adopte en juin la résolution 11/4 réaffirmant le droit des peuples à la paix, cependant, ne faisant plus mention du droit de tout individu à la paix. A noter que le préambule rejète "le recours à la violence à des fins politiques".
Le HCDH réunit en décembre un groupe d'experts, dont des membres de la SEDIDH, pour une séance préparatoire à l'ONU sur le droit des peuples à la paix (toujours sans mention de l'individu) à laquelle assiste Graines de Paix.
A l'Etat de Genève, le Droit humain à la paix a fait l'objet d'une proposition officielle à la Constituante, chargée de rédiger la future constitution de l'État de Genève (acceptée pour consultation en décembre 2009), proposition co-rédigée par 9 associations, dont Graines de Paix, et qui spécifiait :
II. Droits fondamentaux
Chaque être humain a le droit inaliénable de vivre en paix, d’être à l’abri de la violence et de la peur, et de bénéficier d’un minimum de subsistance.
III. Rôle de l'État
"L'État promeut la paix et la justice comme principes de son action et en tant que droits fondamentaux de la personne et des peuples":
- Éducation à la paix
- Prévention et condamnation de la violence, évitement de tout recours inutile de la force.
- Soutien à la prévention et la résolution des conflits (médiation, autres moyens pacifiques).
- Solidarité internationale en termes de paix, de coopération, de droits humains, ...
- Service à la société, favorisant le volontariat (formation à la résolution des conflits, missions de paix à l'étranger)
- Sécurité humaine:
- démarches en faveur du désarmement
- moyens civils pour garantir la sécurité de la population.
Voir comment le droit à la paix y a été esquissé au 19.12.2011, puis concrétisée dans la version finale votée en octobre 2012.
___________________________________________
Sources:
- Charte de L'ONU, 1945
- Déclaration Internationale des Droits de l'Homme, 1948
- Convention Européenne des Droits de l'Homme, 1953
- Rés. de 1978 (33/73) et de 1984 (A/res/39/11) de l'ONU.
- Rapport du Directeur général sur les résultats de la consultation internationale d'experts gouvernementaux sur le droit de l'être humain à la paix, 1998
- UNESCO, Conseil exécutif, 154 EX/40.
- Résolution adoptée par la 99e Conf. de l'Union Interparlementaire à Windhoek, 1998.
- Déclaration de Luarca, SEDIDH*, 2006
- "Faire de la paix un droit humain : Une nécessaire évidence
- Quelques réflexions pour la Constituante Genevoise", Christophe Barbey, 2009.
* (Société espagnole pr le développement et la mise en oeuvre du droit international des droits humains).